LA DATA EST AU COEUR DE VOTRE ADN DEPUIS VOTRE CRÉATION EN 2014. AVEZ-VOUS SENTI UN CHANGEMENT DE PERCEPTION, UNE PRISE DE CONSCIENCE COLLECTIVE CONCERNANT L’IMPORTANCE DE LA DONNÉE DANS LES ORGANISATIONS ET PLUS LARGEMENT DANS NOTRE QUOTIDIEN
Nicolas Vetriak : Des réflexions ont été engagées au niveau européen et plus largement au niveau international sur les nouveaux enjeux en matière de Data, tant sur les aspects défensifs (reporting réglementaire, gestion des risques, contrôle financier…) que sur les aspects offensifs (campagne marketing, pilotage d’activité, rentabilité, expérience client…). On parle beaucoup d’éthique de la donnée et des liens sont faits, de plus en plus, entre la donnée et la RSE, notamment du fait d‘une demande croissante de la collecte de données en lien avec l’environnement, le social et la gouvernance. Cette évolution, qui avait été engagée bien avant la crise sanitaire, s’est accentuée avec la crise. En faisant émerger de nouveaux modes de collaboration, de nouveaux modèles opérationnels et donc de nouveaux usages en matière de donnée, la pandémie a agi comme un accélérateur rendant la donnée de plus en plus présente dans notre quotidien. Jusqu’à présent, les organisations étaient majoritairement dans une approche défensive concernant la gestion et l’exploitation de leurs données, en se concentrant sur les réponses réglementaires afférentes. On assiste aujourd’hui à l’émergence de stratégies plus offensives – en lien avec les nouveaux usages – avec pour objectif la création de valeur pour les utilisateurs, les clients, les partenaires et plus globalement la société civile. Ces nouvelles stratégies cherchent une prise en compte permanente des nouveaux enjeux en termes d’éthique, de protection des données et de souveraineté numérique.
Matthieu Bourgeois : Notre groupe de travail consacré à la souveraineté est né au moment du confinement, période pendant laquelle on a assisté à un changement de paradigme. Alors que la vie physique passait par le filtre numérique, on a constaté une véritable explosion du volume de données échangées. Dès lors, la nécessité de protéger ces données est devenue plus évidente. Nous avons également ressenti, au sein de notre groupe de travail, un besoin important d’un réinvestissement de l’État. La puissance publique doit mieux protéger l’espace numérique, pour sortir de ce Far West actuel, et qui n’est pas viable à long terme.
VOUS PARTAGEZ AVEC LE CERCLE LA CONVICTION DE L’IMPORTANCE DE PRODUIRE DES CONTENUS DE QUALITÉ POUR PARTAGER VOS IDÉES ET PESER SUR LE DÉBAT PUBLIC. C’EST D’AILLEURS TOUT L’OBJET DE CETTE ÉTUDE DU CERCLE CONSACRÉE À LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE. EN QUOI EST-CE UN ENJEU IMPORTANT D’APRÈS VOUS ?
Nicolas Vetriak : La souveraineté numérique est un enjeu majeur pour les organisations qu’il faut adresser au niveau européen, seul échelon adéquat pour pouvoir peser face notamment aux États-Unis et à la Chine. Dès lors, il convient de s’organiser au niveau européen pour trouver une réponse commune et harmonisée. Le cadre est en cours d’élaboration mais il reste beaucoup à faire ; il faut aller plus loin pour se prémunir contre l’hégémonie des puissances étrangères. Nous devons rester maître de notre souveraineté numérique. Reste à déterminer les leviers dont nous disposerons pour garantir notre indépendance numérique. Au-delà d’un cadre juridique harmonisé au niveau européen, cela suppose aussi de mettre en place, à brève échéance, un ensemble de mesures concrètes et pragmatiques pour garantir l’indépendance numérique.
Matthieu Bourgeois : Dans notre étude, nous avons résolument adopté une démarche volontariste, avec notamment 3 propositions qui visent à instaurer une puissance en matière numérique : la première consiste à stimuler l’investissement numérique par des réformes fiscales. La deuxième à réformer le droit de la concurrence pour casser ces nouveaux trusts informatiques qui se sont formés depuis 30 ans au profit des américains et des asiatiques. Enfin, notre troisième proposition est de créer des professions règlementées – à l’image des notaires, de avocats et des commissaires aux comptes du XIXe siècle qui ont fait de la France et de l’Europe une grande puissance mondiale – et qui aujourd’hui manquent, nous semble-t-il, pour développer une filière de la donnée basée sur l’excellence.Il nous semble indispensable de sortir de l’économie informatique actuelle qui est fondée sur le bug. En tant que gros consommateurs de numérique, les européens font les frais de cette logique économique, qui contribue à enrichir les fournisseurs de numérique, majoritairement américains. Nous croyons qu’il faut instaurer une comptabilité numérique, un commissariat au numérique etc. pour assainir les règles du jeu, séparer le bon grain de l’ivraie, fermer la porte de notre marché à des acteurs peu scrupuleux et également garder nos talents, notamment nos ingénieurs européens.
Nicolas Vetriak : Il faut aussi faire évoluer les mentalités, du côté des donneurs d’ordre, certes, mais aussi du côté du consommateur. Ce dernier sera-t-il prêt à payer plus ou à consommer différemment pour privilégier la souveraineté numérique et les intérêts de la nation et de l’Europe au détriment des solutions des puissances étrangères ?
Matthieu Bourgeois : Sur ce point, nous pensons, que les politiques feront ce que le citoyen demande. C’est pourquoi l’indifférence citoyenne est à notre avis la pire des choses contre laquelle il faut lutter. Dès lors que les citoyens voudront que les politiques se saisissent de ce sujet, ils le feront. C’est d’ailleurs l’objet d’une des propositions de notre étude.
QUELS SONT SELON VOUS LES AUTRES ENJEUX MAJEURS CONCERNANT LA DONNÉE DANS LES PROCHAINES ANNÉES ?
Nicolas Vetriak : Quand nous assistons aux pratiques de certaines puissances étrangères, avec notamment des faits de cyber surveillance, de violation de la vie privée…, nous pouvons nous demander si un label éthique et sécurité « made in Europe » n’est pas la clé pour inciter les consommateurs à privilégier des solutions qui garantissent la souveraineté numérique, la sécurité, la confidentialité, l’intégrité et l’éthique des données ? Cette question de l’éthique sera de plus en plus prédominante avec le développement notamment de l’intelligence artificielle. Par ailleurs, la question de l’open data et de la normalisation des échanges de données entre les organisations va devenir clé. Il n’y a pas encore de consensus clair en termes de normalisation mais face à la croissance exponentielle du volume de données échangées, nous sentons poindre une prise de conscience et émerger des influences sur ce sujet. Enfin, le lien naturel entre l’écologie et la RSE se dessine, mais le cadre règlementaire se renforce en la matière dans le même temps. Il y a de nombreuses incitations à la prise en compte des critères ESG dans les organisations que nous accompagnons.
Matthieu Bourgeois : Nous venons de créer un groupe de travail consacré à l’écologie numérique, qui nous semble le prochain défi à relever. La question de la pollution numérique nous semble clé : longtemps considérée comme un élément virtuel, la donnée doit être au contraire pensée comme une ressource physique qui a des conséquences réelles sur notre environnement. Tous, nous allons devoir opérer une révolution copernicienne, pour que « donnée » ne soit plus synonyme « d’illimité ».
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