Quel lien entre la « donnée » et le « vivant » ? De premier abord contre-intuitif, ce lien est en fait établi. Car la donnée numérique n’est pas virtuelle, et elle évolue dans un environnement technologique qui n’est pas illimité.
En effet, des études mettent aujourd’hui en évidence les répercussions négatives causées sur le vivant par le traitement en masse de ces données, des plus attendues aux plus inattendues :
ponction sur les ressources naturelles (avec une consommation électrique en accroissement constant) ;
pression sur les espaces naturels et leur biodiversité (avec la construction de toujours plus de data centers, voraces en espaces fonciers et en eau) ;
fragilisation de la santé humaine (l’exposition aux écrans favorisant la sédentarité, les troubles du sommeil, l’épuisement cognitif, la dysrégulation émotionnelle…).
Et, pour dépasser le débat, très jancovicien, du « possible », abordons la question sous l’angle du « souhaitable ». A supposer que la trajectoire actuelle soit tenable pour le vivant et ses grands équilibres (ce qui est très peu probable), la veut-on ? Souhaite-on cette immixtion croissante des machines dans toutes les interactions humaines ? A-t-on réellement besoin de convoquer les outils numériques pour toutes nos tâches professionnelles, nos moments de loisirs, nos instants de vie ? Si l’on présente souvent cet engouement comme source d’efficacité à court terme et si les données numériques peuvent être mobilisées pour lutter contre le gaspillage et tenter de résoudre la crise écologique actuelle, on oublie souvent de réfléchir aux inévitables contreparties qui en résultent et qui viennent d’être citées.
A bien y réfléchir, la loi de Gabor, selon laquelle « ce qui peut être fait techniquement, le sera nécessairement », n’est pas inéluctable et un autre modèle est possible : celui d’un numérique « responsable », celui où la puissance publique protègerait, par exemple en examinant les produits/services numériques avant leur mise sur le marché, pour vérifier que leurs impacts sur le vivant ont été « pensés » et sont contrebalancés par des garanties ou des limites d’usage.
Est-il encore temps de réagir ? « Oui », répondent les membres du Cercle de la Donnée et de l’Agora 41 ayant rédigé cette étude, fruit d’un travail de plusieurs années. Des pistes sérieuses existent, à condition d’être courageux.
Après un constat documenté dressé, les auteurs formulent cinq propositions fortes, en interpelant le politique, mais aussi les acteurs économiques et les citoyens.
« Cette étude s’adresse à tous ceux qui partagent l’urgence de reprendre le contrôle sur le numérique irresponsable et souhaitent corriger la trajectoire actuelle en optant pour un usage réfléchi de la donnée numérique » résume Jean Martinot, Vice-Président du Cercle de la Donnée, qui a coordonné cette étude.