ADEQUACY EST PARTENAIRE DU CERCLE DE LA DONNÉE DEPUIS SA CRÉATION EN 2018. CES DERNIÈRES ANNÉES ET PLUS PARTICULIÈREMENT CES DERNIERS MOIS, ON A SENTI LES LIGNES BOUGER, NOTAMMENT À LA FAVEUR DU CONFINEMENT, TOUTEFOIS, PENSEZ-VOUS QU’IL Y A EU UNE PRISE DE CONSCIENCE COLLECTIVE DE L’IMPORTANCE DE LA DONNÉE DANS LES ORGANISATIONS ET PLUS LARGEMENT DANS NOTRE QUOTIDIEN ?
David Bessot : Non, pas encore. Il me semble qu’en ce qui concerne le numérique, nous sortons tout juste de l’adolescence, de la pensée magique avec laquelle nous avons été élevés pendant 20 ans, qui consistait à croire que pour résoudre chaque besoin ou problème, il y avait une application. Or, après deux ans de confinement et de télétravail forcé, avec un flux de mails continu dans notre journée, de visioconférences qui s’enchainent, on commence à se rendre compte de l’étendue du problème. Nous sommes en train de prendre conscience que notre utilisation du numérique crée une dette à trois niveaux. Une dette, tout d’abord, en matière de souveraineté, puisque si nous n’utilisons pas des applications françaises et européennes, nous prenons le risque de perdre la maîtrise de nos données. Une dette écologique car aujourd’hui, nous prenons conscience de l’impact écologique du numérique. Une dette enfin, au niveau humain, car nous nous sommes rendu compte, à travers cette crise sanitaire, que la collecte massive de données sensibles posait question. Nous sommes aux prémices d’une prise de conscience collective mais nous n’avons pas encore compris à mon sens quelle était l’étendue du problème.
Matthieu Bourgeois : Le confinement nous a fait prendre conscience de l’aspect inévitable du numérique, même pour les plus réticents d’entre nous. Nous avons constaté une explosion du volume des données, le « big data » devenant le « big big data », avec une donnée qui n’est pas normalisée et une multiplication des canaux de communication, qui entrainent de l’épuisement et de la perte d’efficacité. Nous sommes en train de comprendre le coût que le « tout numérique » a sur notre santé, notre fatigue et aussi, vaguement, sur notre souveraineté. Il y a deux ans, lorsque nous avons constitué notre groupe de travail, le terme « souveraineté » était synonyme de chauvinisme, voire de nationalisme, à contre-courant de l’idée dominante du libre-échange sans entrave. Avec la crise sanitaire, il y a une prise de conscience dans le débat public de la dépendance, de la fragilité et de l’exposition extrême de notre continent. On a déjà compris pour d’autres biens et services les problèmes causés par la libre circulation à tous crins ; nous sommes en train, avec un peu de retard, de comprendre la même chose concernant la libre-circulation des données, qui pose des questions de surveillance massive, de dépendance et d’amenuisement des ressources. Le regard a changé, la souveraineté est désormais considérée avec intérêt, c’est devenu un concept mainstream.
LE CERCLE DE LA DONNÉE ET ADEQUACY PARTAGEZ LA VOLONTÉ D’ÉDUQUER LES CONSCIENCES, CE QUI PEUT PARAÎTRE AMBITIEUX. QU’ENTENDEZ-VOUS PAR LÀ, CONCRÈTEMENT ?
David Bessot : Aujourd’hui, la transformation numérique est terminée ; tout le monde travaille avec des outils digitaux au quotidien. Nous entrons donc dans une nouvelle ère qui est celle de la donnée. Nous sommes un peu dans la même situation qu’au début du 20ème siècle avec l’arrivée de l’électricité, qui allait remplacer la lampe à huile en appuyant sur un bouton. Il me semble urgent qu’on réfléchisse ensemble et qu’on comprenne ce qu’on entend par la donnée. Eveiller les consciences sur ce sujet, c’est se construire une conscience éclairée de tous les usages que nous pouvons avoir de l’outil numérique et avoir présent à l’esprit les questions que cela pose en matière de souveraineté, de géopolitique ou encore d’empreinte écologique. Dès lors que nous sommes – de par notre métier – concernés et mobilisés sur le sujet, je suis convaincu que nous avons un rôle social et sociétal à jouer. C’est ce que fait le Cercle de la donnée à travers ses travaux sur la souveraineté, sur l’intelligence artificielle et demain sur l’écologie numérique. C’est ce que nous faisons à notre niveau chez Adequacy, en tant que prestataire, lorsque nous expliquons à nos clients que la contrainte juridique est plutôt quelque chose de bénéfique pour la population et pour le business, que l’écologie peut être intégrée dans une stratégie sans tomber dans le lobbying de la sobriété… Comprendre les impacts écologiques, la dette technique et les implications en matière de données personnelles, et intégrer cela dans la façon de prendre des décisions, c’est l’objectif d’un éveil des consciences. Il faut que les gens se construisent leur propre vision du numérique et arrêtent d’être guidés par les intérêts des industriels qu’ils soient européens, américains ou chinois. Je suis convaincu qu’éveiller les consciences, c’est participer à ce chantier-là.
Matthieu Bourgeois : Avant l’apparition de la technique vers 1800, l’humain était infirme et libre. Il est devenu depuis puissant mais très dépendant. Et s’il n’est pas éduqué, il ne fait pas bon usage de sa puissance et finit par se détruire lui-même et tout ce qui l’entoure. « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » écrivait Rabelais. Cette maxime est plus vraie que jamais, dans un monde où la technique a pris une telle place. Nous ne possédons aucune intuition venue de nos ancêtres sur ce sujet, nous n’avons aucun réflexe reptilien dans le numérique. L’éducation est donc absolument clé dans ce domaine. Nous devons nous éduquer nous-mêmes, sans quoi les usages sont infinis. Il peut alors en résulter de grands bénéf ices, mais également de nombreux dégâts.
David Bessot : Quand je vois que le pass sanitaire a suscité des débats sur l’utilisation de nos données (que l’on y soit favorable ou pas d’ailleurs), quand je vois que des députés se sentent concernés par la question de la souveraineté ou que la CNIL réfléchit à la façon de traiter nos données de santé, que les politiques commencent à s’interroger sur l’endroit où sont stockées les données, je me dis que les choses sont en train de bouger. Éveiller les consciences, c’est peut-être agir sur le temps court.
Matthieu Bourgeois : Dans notre étude, nous avons fait le constat de l’indifférence citoyenne liée à ce manque d’éducation dont nous venons de parler, et qui a pour effet l’inaction politique. Rencontrer des parlementaires (le groupe de travail a rencontré, dans le cadre de la rédaction de son étude, le député Jean-Philippe MIS et la sénatrice Catherine Morin-Desailly) a donc été très important pour nous, car nous souhaitons que les politiques reprennent l’initiative de la vision et des idées, qui ne doivent pas uniquement venir du peuple. Nous n’avons plus de temps à perdre, d’où l’importance, nous semble-t-il, de sensibiliser à la fois les politiques et les citoyens, qui sont aussi des électeurs.
QUELS SONT VOS PROJETS MAJEURS POUR LES MOIS OU ANNÉES À VENIR ?
David Bessot : Chez Adequacy, nous avons pour ambition de proposer l’outil de gestion des données à caractère personnel le plus efficace au service du DPO. Nous sommes convaincus que le métier de DPO va évoluer et prendre de plus en plus d’ampleur, dans un contexte règlementaire qui va profondément modifier la façon dont les organisations gèrent leurs données. Pour ce faire, notamment, nous allons sortir prochainement un ouvrage intitulé « les douze travaux du DPO » qui a pour vocation d’être un livre de référence dans la durée et qui sera évolutif sur les 10 prochaines années. Nous nous engageons sur cette période, tous les ans, avec nos équipes d’experts à mettre à jour ce document pour en faire un guide pour les personnes qui prennent la responsabilité de protéger les données personnelles des citoyens européens.
Nous avons un autre projet intitulé La Junior Privacy qui consiste à accompagner les plus jeunes à entrer dans l’ère du numérique. C’est un projet pluriel regroupant plusieurs initiatives :
- l’accueil d’élèves de 3e pour éveiller la conscience de ces jeunes de 14 ans aux sujets de la donnée et du numérique ;
- un programme de recherche que nous sommes en train de monter avec l’Université de Paris 8 pour comprendre la perception du droit par les jeunes sur les plateformes du numérique ;
- la création d’un compte Instagram qui vise à rencontrer les jeunes là où ils se trouvent pour leur permettre de se forger une culture générale autour de la donnée et du numérique.
Matthieu Bourgeois : pour 2022, le chantier auquel nous allons nous atteler sera l’écologie. Notre approche visera à faire émerger des usages vertueux de la donnée en changeant notre regard sur cette dernière. La donnée ne doit plus être vue comme quelque chose de virtuel, d’illimité, d’hyper-circulant, de non rival, de libre de droit mais à l’inverse comme une ressource fragile qu’il faut gérer de manière durable. Un nouveau groupe de travail sur ce sujet vient de se constituer au sein du Cercle, dont les échanges et travaux déboucheront sur une nouvelle étude. Comme à chaque fois, nous allons redéfinir le sujet sous l’angle de la donnée, faire émerger les principaux défis liés à ce sujet, et bien sûr, proposer des solutions.
David Bessot : Cette approche du Cercle est très intéressante car elle va permettre d’appréhender l’écologie du numérique non pas avec un regard purement technologique, comme c’est souvent le cas, mais selon une approche pluridisciplinaire, à l’image des compétences que regroupe ce think tank. Une approche peut-être plus humaine également, qui va finalement permettre de s’interroger sur l’impact de la donnée sur son environnement et sur le modèle de société que nous voulons.
EN SAVOIR PLUS SUR ADEQUACY
Créée en 2016, Adequacy est une solution logicielle spécialisée dans le management des données à caractère personnel. Avec plus de 6 500 entités juridiques utilisatrices dans le secteur public comme dans le secteur privé, cette solution, 100% développée en interne et hébergée en France est un acteur majeur sur le marché de la conformité au RGPD en France et en Europe.