L’étude réalisée par le Cercle de la donnée, « L’empreinte de la donnée sur le vivant », vous a-t-elle surpris par ses constats, et en quoi gérer les données des organisations permet de réduire l’empreinte écologique de la donnée ?
Christian des Lauriers : Pour répondre à la première partie de votre question, je dirais que cette étude, dont nous avons suivi attentivement l’avancée tout au long de ces deux dernières années, ne nous a pas véritablement surpris pour la dimension environnementale du phénomène. En effet, et c’est un sujet auquel nous nous sommes intéressés il y a déjà quelques temps chez Adequacy, l’empreinte écologique de la donnée réside dans la consommation des ressources nécessaires à sa gestion : sa collecte, son stockage, son organisation, son traitement, sa sécurisation, etc… Dès lors, la donnée la moins polluante est celle que l’on ne conserve pas ! Et à cet égard, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) est un texte très écologique puisqu’il fait prévaloir le principe de minimisation des données à caractère personnel. Seules les données adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées doivent être conservées, et ce pour une durée limitée.
En revanche, l’étude du Cercle a ouvert une réflexion assez novatrice à propos de l’empreinte sanitaire de la donnée numérique. On pressentait déjà depuis quelques temps que le temps d’écran pouvait être nocif pour la santé physique, mais les experts de ce groupe de travail mettent clairement en évidence l’effet contre-productif que la généralisation d’outils numériques, choisis sans discernement, peut avoir sur la fatigue cognitive et, in fine, faire dysfonctionner les relations humaines. L’exigence de développer des outils qui simplifient la vie, et non qui la compliquent, doit être au cœur des préoccupations de tout éditeur de logiciel, et de toute entreprise qui les choisit.
S’agissant de la deuxième partie de votre question, je répondrai que le RGPD favorise une gestion plus efficace des données personnelles, réduisant la nécessité de stocker d’énormes quantités de données inutiles. Bien appliqué, ce texte aboutit donc bien à atténuer l’empreinte de la donnée non seulement sur l’environnement, mais aussi sur la santé humaine qui se trouve déchargée d’une surcharge cognitive inutile et dangereuse (car génératrice notamment de cyber-insécurité). C’est un bon début même si bien sûr, cela ne suffit pas.
Christian Hartz : Le phénomène de dématérialisation des documents nous a fait perdre la notion d’espace et d’encombrement : avant, on rangeait des dossiers physiques dans des armoires physiques. Lorsqu’on avait atteint la capacité de stockage des armoires, soit on décidait de faire du tri dans ses dossiers et on en jetait une partie, soit on achetait une autre armoire si on avait de la place.
Or, avec le numérique, on n’identifie pas concrètement l’espace nécessaire pour stocker nos documents : on vit dans l’illusion de l’illimité alors qu’il n’en est rien ! Nous tous, utilisateurs, nous n’avons pas encore compris que nous devions gérer nos données comme un patrimoine. Cela consiste à reprendre conscience de ce qui est important et ce qui ne l’est pas. Combien de photos chaque personne a-t-elle sur son téléphone qu’elle ne regarde jamais ? Combien de sauvegardes sont effectuées qui viennent non pas remplacer la précédente, mais s’y ajouter ?
La première réponse pour réduire les ressources utilisées consiste selon moi à systématiser le nettoyage des données, que ce soit sur nos téléphones, sur nos ordinateurs personnels ou professionnels, sur le cloud etc…. Adopter une certaine sobriété dans notre comportement et la gestion de nos données me semble le levier le plus important pour en réduire l’empreinte écologique !
En tant qu’éditeur de logiciel, que mettez-vous en place pour minimiser l’empreinte de votre activité ?
Christian Hartz : Plusieurs leviers existent pour minimiser l’empreinte de notre activité, qui jalonnent le cycle de vie de notre logiciel : de l’éco-conception au recyclage du matériel, en passant par le « nettoyage » des données stockées sur les serveurs ou encore l’hébergement…
L’éco-conception du logiciel que nous développons est une évidence et cela n’est d’ailleurs pas quelque chose de très nouveau. L’éco-conception telle qu’elle est définie aujourd’hui ne révolutionne pas la façon de penser ni de développer les produits informatiques : c’est plutôt un retour aux fondamentaux et aux bonnes pratiques qui étaient en vigueur il y a 25 ans et qui ont eu tendance à se perdre par la suite.
Ainsi, le développement d’écrans (« IHM ») minimalistes avec l’optimisation du poids des images etc… permet d’économiser les ressources tout en procurant de nombreux avantages : espace de stockage nécessaire réduit, rapidité d’affichage accrue, optimisation de la consommation d’énergie…
De la même manière, nous privilégions systématiquement le juste dimensionnement des infrastructures pour répondre aux besoins de nos clients. Sur ce point, nous devons toutefois souligner que ces derniers ont parfois des attentes contradictoires : d’un côté, ils plébiscitent la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), mais pourtant, ils la sacrifient bien souvent sur l’autel des attentes utilisateurs en termes de performance, de rapidité d’exécution ou de fonctionnalités disponibles. A cet égard, l’exemple du Service Level Agreement (SLA) est intéressant : un SLA à 97% correspond à seulement 7 heures par mois d’indisponibilité théorique de notre solution et ne nécessite qu’un seul serveur d’hébergement. Pour autant, la plupart de nos clients exigent par défaut un SLA à 99,9%… Ce qui nécessiterait 2 à 3 serveurs d’hébergement pour y répondre sans que cela n’ait toujours été confronté à un besoin opérationnel réel et que dans les faits le service est bien opérationnel avec un taux supérieur à 99,8%.
Nous faisons notre maximum en termes de pédagogie, mais on observe aujourd’hui un écart considérable entre la prise de conscience écologique de la plupart de nos interlocuteurs et les « concessions » qu’ils sont prêts à faire pour avoir un impact concret.
Je suis convaincu que c’est par la dimension économique que nous pourrons faire changer les comportements : en prouvant par A + B qu’en faisant preuve de sobriété numérique, nous diminuons les charges relatives notamment au stockage et à la consommation d’énergie, et gagnons en efficacité et en compétitivité.
Christian des Lauriers : J’ajoute que nous sommes également vigilants dans le choix des partenaires avec lesquels nous travaillons et que nous sommes sensibles aux efforts qu’ils mettent en œuvre pour améliorer leur empreinte environnementale.
Le choix d’OVH comme hébergeur par exemple a répondu à plusieurs critères qui nous sont chers : au-delà du fait que c’est un prestataire français qui coche donc la case de la souveraineté numérique, nous sommes sensibles au fait qu’il déploie des efforts permanents en R&D pour réduire la consommation énergétique de ses data centers, ou qu’il accorde une grande attention au recyclage de son matériel…
Enfin, cette volonté d’améliorer notre empreinte environnementale devient aussi – et de plus en plus ! – un prérequis auprès de certains clients, notamment le secteur public et les grands comptes, qui attribuent parfois jusqu’à 20% de leur note de sélection lors des appels d’offres aux engagements environnementaux.
Pour toutes ces raisons, nous sommes fiers d’avoir inscrit notre organisation dans une démarche d’amélioration portée par le Label Numérique Responsable, de l’évaluation à 91% du niveau d’écoconception de notre produit vis-à-vis du Référentiel Général d’Écoconception des Services Numériques et d’avoir rejoint la plateforme Carbo pour piloter notre empreinte carbone. Et nous sommes aussi très heureux de soutenir le Cercle de la Donnée dans ses travaux prospectifs, dont cette étude montre l’utilité pour faire bouger les lignes dans un sens vertueux.
EN SAVOIR PLUS SUR ADEQUACY
Créée en 2016, Adequacy est une solution logicielle spécialisée dans le management des données à caractère personnel.
Avec plus de 8 500 entités juridiques utilisatrices, dans le secteur public comme dans le secteur privé, cette solution, 100% développée en interne et hébergée en France est un acteur majeur sur le marché de la conformité au Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en France et en Europe.